Ainsi soient-ils: les prêtres pédophiles sont-ils nombreux ?
Dans la saison 3 d’Ainsi soient-ils, éclate un scandale de pédophilie et l’auteur des faits est couvert par son évêque… A quoi cela fait-il référence ? Les prêtres pédophiles sont-ils monnaie courante dans l’Eglise ?
En 2013, des scandales de pédophilie (principalement USA et Irlande) au sein de l’Eglise ont éclaté. Ils ont profondément ému la population, et de manière bien compréhensible : ces actes sont odieux. Mais à l’image du Christ, la réaction première de l’Eglise devant le péché commis est le pardon, et non le jugement : cette attitude a engendré une certaine inertie de réaction face aux affaires de pédophilie. Les hommes d’Eglise ont en effet parfois mis du temps pour comprendre qu’il ne pouvait y avoir de pardon sans vérité. Aujourd’hui la recherche de la vérité est primordiale dans ces affaire, elle doit être immédiatement confiée à la justice.
En France, en l’an 2000, une note de la conférence des évêques de France sur la pédophilie est adressée à tous les éducateurs (prêtres, laïcs) ; elle est diffusée largement et est très claire sur le sujet (nous en reparlerons ici). Le pape lui-même s’est exprimé plusieurs fois… Mais alors, n’y-a-t-il pas, aussi, quelques idées reçues sur le sujet ?
Idée reçue n°1 : » Il y a beaucoup de prêtres pédophiles «
Les chiffres diffusés par les médias sont impressionnants, certes mais ils font l’amalgame entre des situations très diverses et oublient souvent de rapporter ces chiffres au nombre total de prêtres dans le monde ou dans le pays concerné.
Quelques exemples :
- Pour le monde entier, les affaires de pédophilie sont suivies, au Vatican, par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Entre 2001 et 2010, ce sont 3000 accusations qui ont été traitées pour des crimes commis ces 50 dernières années. Dans 90% des cas, il s’agit d’actes sur des adolescent(e)s et non des enfants. Les cas de pédophilie ne sont donc en réalité que 10%, ce qui réduit le nombre de prêtres accusés de pédophilie à 300 sur les 50 dernières années pour le monde entier. La majorité d’entre eux a été condamnée, une minorité innocentée (1). Rappelons qu’il y avait en 2010 plus de 410 000 prêtres dans le monde (2).
- Aux Etats-Unis, 4392 prêtres ont été accusés de pédophilie entre 1950 et 2002. Etant donné que 78% de ces accusations concernaient en réalité des adolescents, le nombre de prêtres accusés de pédophilie aux Etats-Unis est donc de 958 sur 52 ans, soit 18 par an (3). Les Etats-Unis comptant plus de 109 000 prêtres. Ce chiffre de 958 prêtres américains n’est pas en contradiction avec celui des 300 prêtres cité par Mgr Scicluna, car la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ne peut examiner que les cas qui lui sont déclarés. Or, tous ne le sont pas.
- En France, il y a actuellement 30 prêtres qui purgent ou ont purgé une condamnation pour pédophilie sur environ 20 000 prêtres exerçant dans notre pays. (2)(4)
Ces chiffres pourraient être comparés – avec des nuances – aux 10 000 viols déclarés par an en France (toutes origines confondues) dont 4000 sur mineurs (5). Sachant qu’une étude de l’INED estime à 10% seulement des viols subis ceux donnant lieu à dépôt de plainte, c’est donc 40 000 viols sur mineurs qui auraient lieu tous les ans en France (6). Les prêtres pédophiles (30 dans notre pays et 958 aux Etats-Unis) représentent donc une infime proportion des viols sur mineurs.
C’est à cette conclusion qu’aboutit Philip Jenkins, professeur américain (non-catholique) d’histoire et d’études religieuses, qui est l’auteur de Pedophiles and priests, ouvrage qui fait référence dans ce domaine. Il affirme que la pédophilie des prêtres est extrêmement rare et l’estime à 0,3% de la population totale du clergé.
Le mythe ne résiste donc pas à la réalité des chiffres. Et dans Ainsi soient-ils, grande est la tentation d’en faire une généralité.
- Interview de Mgr Scicluna, Promoteur de justice de cette Congrégation, dans le journal italien l’Avvenire le 13 mars 2010.
- Chiffre de la Conférence des Evêques de France.
- Philip Jenkins – Etude commandée par la Conférence Episcopale Américaine au John Jay College of criminal justice of New York – 2004.
- Le Monde du 26/03/2010 et Homélie de Monseigneur Vingt-Trois – Messe Chrismale du 31 mars 2010 d’après des sources internes à l’Eglise.
- Rapport de INHES/OND – Fiche thématique n°3 – 2008.
- INED – Les violences sexuelles en France, quand la parole se libère – 2008.
Bonjour,
Je suis assez choquée par la minimisation de vos statistiques qui font une différence entre adolescents et enfants victimes.
A quel age commence l adolescence selon vous ? 13 ans (teen -agers). Pensez vous qu à 13 ans un garçon agressé n est plus un enfant ?
Bien sûr que si…
Ces minimisations laissent entendre que le crime est moins grave si la victime n est plus un enfant…
On devrait parler plutôt de majeur -mineur. Éventuellement majorité sexuelle (15 ans selon la loi).
Car toutes les statistiques montrent que la conscientisation de la gravité des agressions par les victimes arrive réellement vers 15 -16 ans.
Emprise – confiance – peur – honte – culpabilité – amnésie – dissociation… Sont les ressentis des victimes qui se taisent.
En moyenne une victime parle 17 ans après les faits…
Les prêtres agresseurs doivent bien comprendre cela .
Car bcp d entre eux, comme les pédophiles non religieux, ont eux même malheureusement été agressés enfants…
Merci de votre commentaire. Nous comprenons que vous ayez pu être choquée, mais pensez-vous vraiment qu’il s’agit d’une minimisation ? Sans juger des intentions des auteurs de cet article, qui nous ont proposé cet article, nous notons votre remarque « majeur-mineur » : en effet, ce serait plus juste. A 13 ans, un enfant reste bel et bien un enfant. Sans compter que, sur un autre plan, l’âge moyen de la première relation sexuelle est de 17 ans (soit 4 ans plus tard).
Encore une remarque critique (je précise que, sur le fond, je suis d’accord avec ce site) :
Pourquoi multiplier les chiffres par 10 dans un cas (seulement 10% donnent lieu à un dépôt de plainte) et pas dans l’autre ?
Y a t’il une raison pour considérer que 100% des cas de scandale dans l’église sont déclarés ? Je ne le pense pas.
C’est d’ailleurs toute la difficulté de cet exercice, et ce sur quoi les adversaires de l’église appuient régulièrement, par un manque d’honnêteté intellectuelle qui sert leurs desseins.