«Ainsi soient-ils» saison 2 : l’avis du FigaroVox
Tribune de Théophane Le Méné sur le FigaroVox publiée le 26 septembre 2014 sous le titre : «Ainsi soient-ils» : qu’est-ce qu’ils ont fait au Bon Dieu pour mériter ça ?
Une nouvelle saison de la série consacrée à cinq jeunes séminaristes et prêtres sera bientôt sur les écrans. Théophane Le Méné se demande pourquoi l’Eglise est encore l’objet de tant de passions.
Il aura donc fallu attendre deux longues années pour que la série phare d’Arte revienne sur le petit écran et étale la vie de cinq jeunes séminaristes, en proie aux tentations de ce siècle, et indubitablement plus portés à pêcher en chair qu’à prêcher en chaire. Les catholiques doivent s’y résoudre, leurs opposants se réjouir: encore un support pédagogique qui permettra au plus grand nombre d’apprécier l’archaïsme de l’Eglise et sa responsabilité dans de nombreux maux du monde qu’une litanie ne suffirait pas à énumérer. Car «Ainsi soient-ils» sera dans ce ton là, nous assure-t-on. Il y aura Yann, le gentil boy-scout, Guillaume, dont l’homosexualité s’est révélée dans la première saison et Raphaël, le garçon de bonne famille. Et puis Emmanuel, un jeune homme dépressif qui ira se consoler avec Guillaume. On en sait pas plus, sinon suffisamment pour savoir que l’institution sera encore et à nouveau au cœur des fustigations. Mais combien de divisions détient-elle pour qu’elle soit l’objet d’autant de passions? Pourquoi est-il devenu monnaie courante de de la rabaisser quitte à utiliser de l’urine pour y plonger son Dieu ou financer des poitrails hurlants, gonflés de silicone ?
Dans La carte et le territoire, Michel Houellebecq décrivait ainsi les prêtres : « Humbles et désargentés, méprisés de tous, soumis à tous les tracas de la vie urbaine sans avoir accès à aucun de ses plaisirs, les jeunes prêtres urbains constituaient, pour qui ne partageaient pas leur croyance, un sujet déroutant et inaccessible. »
Dans La carte et le territoire, Michel Houellebecq décrivait ainsi les prêtres: «Humbles et désargentés, méprisés de tous, soumis à tous les tracas de la vie urbaine sans avoir accès à aucun de ses plaisirs, les jeunes prêtres urbains constituaient, pour qui ne partageaient pas leur croyance, un sujet déroutant et inaccessible.» Pourrait-il y avoir une autre raison? Le renoncement aux plaisirs du monde gâcherait-il le plaisir de ceux qui voudraient en jouir sans entraves? Comme un premier de classe agace, comme le gentil exaspère, comme le gendre idéal frustre, l’Eglise irrite. Elle propose un modèle qui se choque aux turpitudes de tout un chacun et les lui rappelle inéluctablement. Et puis il y a le mystère. Le mystère de la foi dont beaucoup ne veulent accepter qu’il puisse les dépasser. Au fond quoi de plus naturel que de heurter ce à quoi on se heurte? C’est un sentiment courant de croire que personne, au fond, ne puisse croire. Que le bien n’est qu’apparent et qu’il cache les sept péchés capitaux. Que les saints ne sont pas de ce monde. L’expérience du mal fait oublier celle du bien et, dans la nuit du monde, la grâce originelle n’est plus qu’un lointain souvenir. On monte alors des scénarios dignes de romans d’espionnage où le secret est le personnage principal. Et on se gargarise de connaître le secret qui dissimule sûrement les pires ignominies: «On va vous dire ce qu’on vous cache» semblent-ils annoncer pour remettre dans la norme tous les signes de contradiction.
On en trouvera encore pour invoquer le droit au sacrilège face à une institution repressive. Mais nous ne sommes plus à l’heure des Fleurs du mal et la transgression est devenue la règle. Il est difficile de trouver du mérite à ceux qui continuent de tirer sur un grand corps malade qui ne propose rien d’autre que d’aimer et tend l’autre joue à chaque claque. Mais c’est humain et c’est ainsi: il est toujours plus simple de se moquer des plus simples et des plus pauvres, ou de ceux qui s’en font le paraclet.