Les églises peuvent-elles servir aux musulmans ?
Dans la saison 3 d’Ainsi soient-ils, Guillaume, devenu prêtre – attention, spoiler -, finit par prêter son église vide aux musulmans contraints de prier dehors sous la pluie (photo). Bon bien sûr, comme il n’y a plus de fidèles catholiques, autant s’en servir. Il se le fera d’ailleurs reprocher par son curé puis son évêque, en s’expliquant : « ils faisaient quoi de mal ? ils priaient, comme nous… ». Mais alors, dites-nous, les églises peuvent-elles servir aux musulmans ? Une réponse largement inspirée d’un article de Famille chrétienne.
En juin 2015, sur Europe 1, le président du CFCM, Dalil Boubakeur, suggérait de transformer des églises abandonnées en mosquées. « C’est un problème délicat mais pourquoi pas… c’est le même Dieu, ce sont des rites qui sont voisins, fraternels, et je pense que musulmans et chrétiens peuvent coexister et vivre ensemble », expliquait-il. Face à la polémique que ses propos avaient suscités, la mosquée de Paris publiait quelques heures plus tard un communiqué de presse pour y mettre fin.
Constatant le manque de lieux de culte (2 200 mosquées environ en France pour quelque 2,5 millions de fidèles pratiquants), Dalil Boubakeur évoque aussi dans son livre, Lettre ouverte aux Français (KERO, 18 juin 2015), cette éventualité : « J’ai été amené à rencontrer un député qui m’a montré des églises vides. Privées de leurs fidèles catholiques.“Pourquoi, a-t‑il dit alors, ces églises ne pourraient-elles être utiles à servir de lieux pour les musulmans ?” Si on va vers une vision mathématique des choses, on pourrait effectivement mettre les plus à la place des moins. » On ne peut être plus clair…
Cette proposition est bien loin d’être jugée déraisonnable par les musulmans.
Pour Sadek Sellam, historien de l’islam contemporain, c’est davantage la forme que le fond des propos du président du CFCM qui a posé problème aux musulmans. « Sur le fond ce qu’il a dit n’est pas aberrant, il a cependant manqué de tact et on peut comprendre qu’un certain nombre de chrétiens aient été choqués », explique-t-il. « Ce n’est pas très courtois de rappeler aux chrétiens que leurs églises sont désaffectées. » Et d’ajouter : « L’opinion est chauffée à blanc, certains ont peur d’un islam conquérant et, dans ce contexte, il n’était pas opportun d’en parler de cette manière. »
Un avis partagé par Ghaleb Bencheikh, spécialiste de l’islam et animateur de l’émission « Islam » sur France 2, le dimanche matin. « Sur le fond, se dire qu’un lieu qui a été consacré au culte de Dieu le soit autrement n’est pas absurde. Bien sûr, cela doit se faire dans des cas particuliers, pour des lieux de cultes chrétiens désaffectés, dans le respect des législations et dans le dialogue interreligieux, mais c’est toujours mieux que de convertir ces églises en hôtels ou en boîtes de nuit, non ? »
Bon, alors, c’est sûr, plutôt que transformer les églises en cinéma (comme dans certaines villes de France, d’ailleurs) en laiterie ou en usine (comme on faisait en URSS), on préfèrerait quand même… qu’elles restent des églises ! Et même si l’on entretient de très bonnes relations avec les musulmans par ailleurs.
Et si, par hasard, cela offensait notre mémoire collective ?
Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus et Toulon, a tenu par la suite à ajouter son grain de sel en rappelant quelques éléments fort vrais dans un communiqué :
« Les édifices religieux affectés spécifiquement aux différents cultes reconnus à la suite de la loi de 1905, appartiennent au patrimoine national ou communal. Ils ne sont pas interchangeables ni omnicultes. S’il est légitime que des communautés musulmanes établies en France puissent disposer de salles de prière pour pouvoir se rencontrer, partager leur foi et prier, dans un cadre adapté et dans le respect des règles démocratiques, ce serait offenser notre mémoire collective d’oublier l’attachement de nos citoyens à ces édifices du culte qui témoignent de notre culture et de nos racines, et pour la majorité d’entre eux, de leur foi chrétienne. » Qui dit mieux ?