Un homme de l’ombre derrière Ainsi soient-ils
Originaire du diocèse de Tours(1), il a reçu une formation au séminaire des Carmes, dans une période complexe : deux séminaristes (proches de lui), avaient été renvoyés pour « amitiés particulières ». Devenu prêtre, il quitte le sacerdoce après seulement six mois de ministère pour « vivre librement sa sexualité », comme l’affirmera Vincent Poymiro, co-scénariste de la série, à Télérama, le 11 octobre 2012 (2). Diplômé en communication, il est passionné de cinéma, milieu dans lequel il est très actif. Il participe même au jury œcuménique du Festival de Cannes. Sur son blog, il affirme avoir eu la chance, au cours de sa vie, d’avoir étudié la théologie et la philosophie… Voilà pour son parcours.
Ses intentions
Au cinéma, on parle de note d’intention de l’auteur. Mais qu’est-ce qui a poussé cet ancien prêtre à contribuer à l’écriture du scénario d’Ainsi soient-ils ? Ne reconnaît-on pas aussi la patte de son propre blog dans les éléments de langage « humanistes » des communicants de la série ? A travers cette opportunité, a-t-il cherché à montrer l’Eglise telle qu’elle est vraiment, ou a-t-il plutôt voulu retranscrire à l’écran sa propre histoire personnelle, que l’on connaît désormais ?
Il est certain que sa formation en communication et son expérience professionnelle liée à celle-ci, lui ont donné une occasion et un espace pour communiquer sur ce qu’il lui est arrivé au sein même de l’Eglise. Mais n’était-ce pas trop « à chaud », là où d’autres auraient pris plus de temps pour relire leur histoire personnelle, forcément jalonnée de joies mais aussi de blessures, surtout lorsqu’il s’agit de quitter brutalement le séminaire ou, à plus forte raison, le sacerdoce ? Ceci est bien humain : pour ceux à qui cela arrive, de telles épreuves riment toujours avec des sentiments de déception, de trahison, d’incompréhension, voire de rejet. Un peu comme dans une rupture amoureuse, somme toute, même si la comparaison est rapide. On comprend aussi pourquoi, dans la série, l’archevêque de Paris – où est situé le séminaire des Carmes – l’homme qui aurait pu le « sauver » d’une telle situation, est surnommé « lambda » par ses pairs, comme pour convaincre le spectateur que l’Eglise ressemblerait davantage à une porte fermée et à une institution rigide, sanglée dans son corset de fer, qu’à une porte ouverte et accueillante.
Des blessures
Nous trouvons donc en présence d’un homme blessé, et qui a hélas semble-t-il plutôt choisi de s’appuyer sur ses blessures pour les faire rejaillir fidèlement à la TV, plutôt que les panser avec l’aide qu’il faudrait pour cela… et la miséricorde de Dieu. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si à la fin de la saison 3, Guillaume, le séminariste homosexuel devenu prêtre, cherche à retrouver la trace d’un prêtre défroqué car abandonné de tous. Le « où est Dieu », repris dans la bande-annonce, résonne comme une absence de son Eglise qui n’a pas su être là comme il l’aurait espéré, et il en est bien loin désormais. N’est-ce pas là le miroir de notre conseiller de l’ombre ? A l’instar du parcours de cet homme, submergé par son histoire, cette série opère un mouvement de submersion continu : les personnages sont submergés par leurs émotions, par le poids de l’institution, par la mécanique du pouvoir et la fabrique de la hiérarchie. Avec pour éternelle absente : la liberté.
Une certaine vision de l’Eglise
Et finalement, c’est à l’éclairage de ce parcours de souffrance, qu’Ainsi soient-ils prend soudain tout son sens, après avoir gratté sous le vernis : cette série, c’est l’histoire d’un homme qui se connaît mal et qui entend faire connaître l’Eglise aux autres, sous son propre prisme(2). Voici, enfin, toute la racine de l’ambiguïté qui jalonne les différents épisodes d’Ainsi soient-ils. Et nous remercions la Providence (ce hasard avec un grand P) de nous avoir informés à 3 jours de la fin !
A noter qu’un prêtre en activité participe aussi à Ainsi soient-ils, mais cette fois comme « conseiller religieux » officiel de la série, au générique de tous les épisodes : il s’agit ici du Père Jean-Emmanuel Gouze, du diocèse de Nanterre, curé des paroisses de Saint François-de-Sale (Plessis Robinson) et Sainte Madeleine (Haut Clamart) (4). Son rôle cependant se cantonnerait « aux questions liturgiques ».
(1) Jusqu’ici, aucun journaliste n’a encore révélé son nom, et il tient à rester anonyme…
(2) Lire notre précédent article à ce sujet (propos cependant démentis en 2014)
(3) Avec – et ce n’est pas un détail – environ 800.000 téléspectateurs à chaque épisode sur la chaîne publique franco-allemande.
(4) Respectivement saints patrons des journalistes et, en quelque sorte, de la miséricorde : tout un symbole !